Les étudiants et la crise : et si on faisait preuve d'un peu d'indulgence ?
Impossible de me retenir plus longtemps. Il faut que je dise ce que j'ai sur le cœur. Je voudrais vous donner une idée de ce que vivent les étudiants (koteurs) pendant cette crise. Parce que leur voix n'est pas relayée dans les médias. Seuls les recteurs, politicien et virologues y ont voix au chapitre. Après tout, les étudiants sont le moteur des contaminations, ne prennent pas leurs responsabilités et mettent en danger la vie de leur parents et grands-parents. Et puis qu'est-ce qu'un étudiant pourrait bien avoir à dire de sensé sur cette crise?
On a évoqué la Seconde Guerre mondiale un nombre incalculable de fois pour les pointer du doigt et étouffer leurs difficultés, leurs incertitudes et leurs angoisses. Parce que le covid19 n'est rien comparé à ce qu'il s'est passé à l'époque. La « génération dorée » doit « seulement » respecter les règles, sans rien devoir sacrifier à sa vie de luxe. On leur reproche un manque total d'esprit civique.
Arrêtons-nous un instant sur le concept d'esprit civique. Personne ne naît avec l'esprit civique. C'est quelque chose qui s'acquiert tout au long de la vie, depuis son plus jeune âge, par la pratique. L'éducation à la maison et à l'école joue à cet égard un rôle important. Les étudiants koteurs font leurs premiers pas dans le monde de l'indépendance et ont enfin l'occasion de prendre des décisions par eux-mêmes. Il s'agit d'un jalon essentiel dans le développement des jeunes, un jalon qui est également capital pour aiguiser leur esprit civique. Enfreindre les règles et en assumer les conséquences fait partie intégrante de ce processus de développement.
Pourquoi sommes-nous si durs avec ces jeunes qui cherchent la voie à suivre dans cette crise ? Pourquoi attendons-nous de jeunes de 18 ans qu'ils sautent toutes les prochaines étapes de leur développement et qu'ils gardent en permanence leurs émotions sous contrôle ? Nous les réprimandons et les qualifions de « jeunes irresponsables » avant même qu'ils aient pu tirer les leçons de leurs erreurs. Et oui, il y a une minorité parmi les étudiants qui ne veut hélas pas comprendre. Mais cette minorité est présente dans toutes les tranches d'âge.
Nous avons de l'empathie (à juste titre) pour les personnes âgées, les soignants, les enseignants ainsi que les secteurs de l'horeca et de l'événementiel parce qu'ils sont confrontés à d'énormes difficultés et que leur bien-être est menacé. Mais quid des étudiants ? Nous les ignorons, parce qu'ils n'ont pas à se plaindre, au final. Mais qui sommes-nous pour en juger ? On parle sans cesse des dangers et des conséquences de la solitude, mais avoir de l'empathie pour les étudiants en mal social, ce serait aller trop loin.
Or il s'agit justement d'un groupe cible particulièrement vulnérable. Le lien social est un besoin de base, surtout pour les jeunes. Les études sont une période où l'on se construit un réseau pour toute la vie. On n'est pas encore sûr de soi, on découvre des choses, on cherche des repères et on essaye de répondre aux attentes de tous ceux qui nous entourent. On vit dans un monde complexe, où être « flexible » est une compétence fondamentale. Alors que tout le monde sait que le changement s'accompagne toujours d'une résistance et d'une peur de l'inconnu.
Qu'avons-nous constaté ces dernières semaines chez 95 % de nos étudiants koteurs? Que cette crise ne les laisse pas de marbre, au contraire. Elle les préoccupe et ils comprennent très bien pourquoi les autorités prennent des mesures. Ne les sous-estimez pas. Les étudiants se posent énormément de questions sur la crise du coronavirus et sont décontenancés par des mesures qui changent sans cesse. Ils se reprennent les uns et les autres et expriment leur inquiétude s'ils pensent que quelqu'un met la sécurité des autres en danger. Certains ne ferment pas l'œil de la nuit, trop préoccupés par leurs études, et cherchent l'approbation pour tout ce qu'ils font. Ils se font tester au moindre symptôme, et s'ils sont positifs, ils suivent spontanément le protocole en vigueur en cas de contamination. Ils se montrent également transparents et compréhensifs les uns envers les autres. Mieux : la solidarité et la prévenance dont les étudiants font preuve est touchante. Mais il y en a aussi parmi eux qui lancent des cris de détresse. De véritables appels au secours. Nous ne pouvons pas les ignorer.
Je parie qu'il y a des gens qui, à ce stade, sont prêts à prendre la plume pour raconter les expériences négatives qu'ils ont vécues avec des étudiants. Parce que oui, cela arrive. Et non, ça n'est pas acceptable. Pas du tout, même. Mais je crois en une part d'ignorance et d'innocence chez les jeunes. Parce qu'ils n'en sont qu'au début de leur vie d'adulte et ont encore beaucoup à apprendre. Je ne dis pas cela pour minimiser ou justifier leur comportement.
Mais je voudrais appeler à un peu d'indulgence. Accompagnons-les dans leur parcours de citoyen et reconnaissons leurs difficultés. Comment pouvons-nous mieux les toucher ? Donnons-leur peut-être la parole dans les débats télévisés ou les émissions d'actualité. Ils auront ainsi au moins l'occasion d'expliquer l'impact du covid19 sur leur quotidien. Nous pourrons ensuite entamer un dialogue et sensibiliser davantage au problème en adoptant une approche positive. Pour toutes les générations. Ce serait un bel exercice de mise en pratique de notre devise #ensemblecontrelecorona.
Nele Van Damme
CEO & Believer Upgrade Estate